Tournée de Quêteux 2019

Tournée de Quêteux 2019: Jour 2

Newport, 13h00.
-Salut, qu’est-ce qu’il y a à faire ici si j’ai trois heures à tuer?
-Ishhh, pas grand-chose mon pitou, me répond la serveuse.
-M’a te prendre un café pis le code du wifi s’il te plaît!
Des village où y’a « rien » à visiter en plein mois de mai, j’imagine qu’il y en a quelques uns sur ma route; aussi bien en profiter pour me presser le citron et vous raconter le voyage en cours.

Porte+ouverte+voiture. Merci google.

Ouvrir la porte. Du char, mais ensuite, de la personne qui est dedans. Comment jaser d’autre chose que de la météo avec les gens qui m’offrent un lift, c’est un de mes défis pour le prochain mois.

Pendant huit ans, j’ai été barman. Des shifts de soir, payants, mais aussi des shifts de jour, tellement longs. Et à long terme, mon plus plus grand bénéfice, je l’ai tiré des quarts que je faisais avant 19h. Ceux où j’étais « pris » à jaser avec les clients. Des bonhommes pour la plupart, qui venaient de toute sortes de milieux. J’ai appris à y jouer un jeu avec moi-même : le gardien du trésor. Trouver ce que cette personne sait et qui va vraiment t’intéresser. Tout le monde que tu rencontres a un petit filon pour toi, s’agit de creuser. J’y suis devenu un prospecteur professionnel.

-Salut, moi c’est Pat.
-Moi c’est X.
-Puis dit moi, X (de la voix de celui qui niaise), « c’est quoi ton histoire ».
-Ciboire, donne-moi une grosse bière pis attache ta tuque le frisé.

Et c’était parti pour deux heures. Pendant huit ans, ils m’ont conté des affaires incroyables: comme ce ferrailleur qui avait été victime d’un accident où un bloc de béton lui avait écrasé la jambe si vite « qu’les tuyaux m’ont pété à grandeur du body« , cicatrices énormes à l’appui; comme ce gars, peintre commercial qui dépensait sa paye en entier chaque fin de semaine pour s’offrir un monde dans lequel on espère que nos enfants ne tomberont jamais, qui m’expliquait comment donner un beau fini à ton mur -tout est dans le sablage entre les couches pis flatte ta peinture-. À travers ce jeu, non seulement je ne perdais pas mon après-midi, mais je gagnais une vie d’expériences, d’erreurs, de regrets et de succès. « Ça va te sembler bien cliché, mais prend soins de tes chums. À ben des moments dans ta vie, c’est tout ce qui va te rester. En 92, j’ai […] ».

Chaque personne qu’on rencontre est une bibliothèque. Ça sert à quoi d’en visiter une si ce n’est pas pour ouvrir deux-trois livres? Puis à travers cette porte-là passe autre chose : la dignité. Il n’y a pas grand moments où je me sens plus digne que lorsque j’ai le sentiment d’avoir été utile. Le beau dans tout ça, c’est que c’est tellement gratuit que c’en est payant. J’dis pas que je quand je peinture chez un chum qui vient d’emménager je ne fais pas une job de marde, mais au moins je sais comment j’aurais pu faire une belle job si j’étais pas juste venu pour la pizza.

Sinon, dans chacune de ces rencontres, une autre chose revient : chercher les liens. « En ouin, tu viens de là? Connais-tu un tel? ». J’en suis actuellement au jour 2 de ma tournée, je compte sept transports à mon actif et dans 100% des cas on a trouvé un lien. Le cousin, l’ami d’un ami, le collègue de. Et suite à ce lien, c’est comme si on était de la famille. Élargie, disons. Presque à chaque fois où je nous vois gratter pour le trouver ce lien, j’ai l’image de deux chiens qui se sentent le derrière; c’est plus fort que nous!

(J’avoue avoir hésité beaucoup dans le choix d’image… mais pour les plus aventuriers: image alternative 1
image alternative 2
image alternative 3 )

Comme si d’être des étrangers était insupportable, il faut qu’on devienne des connaissances pis vite! Mais, sinon quoi? Sinon, on reste deux inconnus qui partagent un espace trop exigu pour être confortable? Sinon l’autre reste une menace potentielle? Pour moi, la question reste entière, mais ce qui est sûr c’est que j’ai envie de multiplier les liens pour qu’il ne reste plus d’inconnus sur ma route. Parce que j’aime l’idée d’avoir de la « famille » aux quatre coins du Québec. Pas pour prendre de leur nouvelles à chaque année, mais pour me sentir chez moi un peu partout, parce qu’on es-tu pas bien, chez-nous?

2 commentaires

  • Mi

    Pat,

    Tu as tellement raison, on cherche toujours un lien partout! Ahhh la nature humaine!

    Par instinct, nous devons avoir un spectateur de notre vie, quelqu’un qui sait où que l’on est, qui nous sommes et ce que l’on vit!

    Beau texte! J’adore te lire, bon road trip!

    P.S.: Drôle d’images de chiens! 🤣🤣