Rencontres

Mes collègues

Depuis sept ans maintenant, je conte. À ma manière, j’imagine; on le fait tous. Mais en même temps, il y a ces rencontres qui laissent leurs traces, nous font dévier.
Je manque de mots pour décrire ma pratique, pourtant lorsque je tente de le faire, j’ai un plaisir fou à en parler pendant des heures. En attendant qu’on ait des pastilles de goût pour décrire les types de conteurs, qu’ils soient fruités et généreux, ou aromatiques et charnus, j’avais envie de partager un carnet de ce voyage qu’est pour moi le conte. Une petite bibliothèque de rencontres qui ont changé ma manière de voir le conte. Parce qu’ils changent aussi ma manière de voir la vie, et que je souhaite à tous les mêmes “hasards”. Je réalise que dans bien des cas, la richesse de la rencontre tenait dans la différence de l’autre. Une différence si bien incarnée, si cohérente, qu’elle m’appelait à y tendre.
Ces rencontres, je vous les partage en ordre chronologique, comme elles ont croisés ma route. Je dois admettre qu’en faire l’inventaire me donne hâte aux prochaines!

Mes collègues

Voilà quelques années, le téléphone a sonné. (oui, une fois tous les 4-5 ans ça se produit) C’était Stéphane Maddix Albert, un accent chiac suivi d’un conteur, le tout vivant en Gaspésie. Il proposait que l’on se rencontre, parce que c’était bête d’être tous deux en Gaspésie sans se connaître, simplement. Ça m’a fait sourire et accepter l’invitation. À sa suite, j’ai rencontré Marie-Anne Dubé, une autre conteuse gaspésienne. On a premièrement parlé de ce qu’on avait en commun : le conte, puis on ne s’est jamais arrêté alors il n’y a pas eu de deuxièmement, et encore moins de finalement.

On est devenus de grands amis avec tout ce que ça implique. De fréquenter régulièrement deux conteurs a changé beaucoup de choses pour moi, dans ma façon de pratiquer le métier de conteur. Ça me permettait de verbaliser beaucoup de questionnements, quitte à se faire dire que « toi et tes questions êtes insupportables ». Ça a sauvé plusieurs autres amitiés, que je pouvais enfin laisser tranquilles avec mes doutes artistiques.

Puis on a assisté à des spectacles ensemble. Des trucs que moi j’ai trouvé indigestes, et qu’eux ont adorés, puis l’inverse aussi, mais qui faisaient rarement l’unanimité. Comme si soudain, j’apprenais qu’on pouvait voir les choses autrement que de mon point de vue. D’apprendre que l’un apprécie l’utilisation de tel effet dans un spectacle de conte, me fait réaliser l’importance de cet effet, et ensuite pour ma propre pratique, je deviens libre de l’utiliser ou non, ce ne sera alors plus de l’ignorance, mais un choix.

De les voir évoluer, misant davantage sur un aspect de leur pratique ou corrigeant tel défaut, m’a fait me questionner sur mon propre chemin.
La rencontre de ce duo m’a ouvert l’appétit sur d’autres rencontres de conteurs. Des porteurs de sens d’à travers le Québec, me donnant la chaleureuse sensation d’avoir de la famille à la grandeur de ce territoire. Grâce à ces liens, j’ai du « chez-moi » aux quatre coins de la province. Puis, à force, des murs tombent et ce n’est plus seulement la rencontre d’autres conteurs qui m’attire, mais aussi d’auteurs, de diffuseurs, de bédéistes, de tous ces porteurs et bâtisseurs d’un territoire qu’on appelle culture. Avec une justesse qui m’a fait sourire, l’une de ces personnes me disait les appeler tous : ses collègues.