JOUR 32: Landunvez
Le calme. Depuis quelque jours, pas grand-chose. Pourtant beaucoup, mais sans le goût de la nouveauté.
Avant-hier, j’ai cogné aux portes de Locmélar; la troisième adresse fut la bonne. Ensuite, la route vers Brest et une autre soirée chez de nouveaux hôtes. Je me demande si je ne vais pas me planter à Brest pour quelques jours justement; il y a un festival de contes qui débute bientôt, je pourrais y digérer tout ce périple. Ceci dit, l’idée d’être confortable dans une ville me rappelle chez moi auprès des miens. L’intensité du voyage tolère mal la routine.
Je viens de recevoir les photos d’une prestation que j’ai eu la chance de faire dans un festival à Morlaix, pour Halloween. Elles me rappellent un choc que j’avais eu face à la réalité du conte ici: les conteurs rencontrés depuis le début du voyage me mentionnent presque tous, d’entrée de jeu, s’ils sont »pros » ou »amateurs ». La seule différence technique, est d’arriver à tirer l’essentiel de ses revenus grâce au conte.
Nul besoin de vous dire que ce statut n’est garant de rien, niveau qualité. Alors pourquoi se définir, dans quelque chose de si flou que le conte, de toute façon? Ce concept n’est bon qu’à créer une rivalité malsaine, qui ne sert en rien le conte.
D’un autre côté, je me vois lorsque je m’installe chez des inconnus, sur le point de leur raconter des histoires, leur faire comprendre que je vis réellement du conte, comme pour présumer qu’ils sont chanceux d’avoir un conteur »pro » chez eux. En quoi la situation avait besoin d’être magnifiée ? C’est déjà incroyable que quelqu’un héberge un conteur, peu importe son calibre, pour que dans une maison ce soir on prenne encore le temps de se raconter des histoires.
Combien les médailles peuvent nous encombrer ? Lorsqu’on les porte, lorsqu’on les recherche, et lorsqu’on juge l’autre ou soi-même à partir de celles-ci. Les laisser derrières, c’est peut-être se donner la chance d’être nous-mêmes. Ou plutôt, se donner le défi d’être soi-même. Nul modestie dans le geste, que le défi d’être présent plutôt que passé.
Je sens que le contenu du voyage s’allège; bonne chose. À moins que je ne me réveille dans une bassine de glace avec un rein en moins, je crois que cet article sera l’un des derniers du voyage. Comme un rêve duquel on se réveille doucement. Un beau rêve au pays de la légende.
Pour voir le tracé du voyage:
Merci au Conseil des arts et des lettres du Québec pour son soutien au projet Colportage